Sommaire
Lettre de présentation
Chers amis du breton,
Nous tenons tous, vous et nous, à ce que la langue bretonne reste vivante et même qu’elle aille de l’avant, et un breton de bonne qualité. Pour cela, nous avons besoin d’une seule graphie.
Le problème orthographique joue contre l’union dans le Mouvement breton, d’un côté, et, de l’autre, le peurunvan [le système orthographique unifié] entraîne les jeunes (l’avenir de notre langue) à mal prononcer le breton en raison de l’influence de l’écrit. Voilà pourquoi il est important de réfléchir au peurvunvan qui doit être partiellement modernisé.
1974-2015
Le travail le plus difficile a été réalisé il y a 40 ans, entre 1970 et 1974. Il y a eu des entretiens entre les diverses tendances du Mouvement breton, pour tenter de s’entendre sur l’orthographe. Le 22 juin 1974 fut signé par tous un accord en 11 points. Le peurunvan était représenté par Per Denez, Ronan Huon et Léon Fleuriot. Hélas, l’élan fut coupé quelques temps plus tard par le refus des deux autres tendances de poursuivre les discussions...
Aujourd’hui, en 2015, nous pouvons renouer avec cet élan. Ce serait une année importante pour le breton si nous parvenions à parachever le travail commencé, bien avancé même, il y a 40 ans.
Le but ne devrait pas être trop difficile à atteindre pour des personnes de bonne volonté travaillant de manière scientifique, sans idéologie ni dogmatisme. Pour cela, nous devons considérer la langue dans son ensemble, comme elle est véritablement, sans aucune idée préconçue.
Le Mouvement breton se plaint du fait que l’Etat français refuse de réunifier la Bretagne et de ratifier la Charte européenne des langues minorisées... La décision concernant la graphie du breton ne relève pas du pouvoir politique, mais est entre les mains du seul Mouvement breton. Entre nos mains, en vérité ! A nous, donc, de nous saisir du problème courageusement, sans attendre une solution qui ne viendra pas, si nous laissons le temps passer sans rien faire.
Beaucoup pensent que nous avons attendu trop longtemps pour chercher à résoudre définitivement le problème de la graphie et tous semblent d’accord maintenant de le faire avec pour objectif de moderniser le peurunvan. Dans cette perspective, nous avons réalisé le présent dossier.
En 1975, Per Denez, très dépité par ceux qui avaient décidé «d’arrêter les discussions», écrivait au début de son long article " Hag adarre... an doare-skrivañ !" (Et de nouveau... la question orthographique !): «Je n’ai jamais été aussi triste, en me saisissant de ma plume, comme je le suis aujourd’hui, 1er mai, le jour de fête du printemps et du travail, c’est-à-dire le jour de l’espérance. Jamais, je n’ai été aussi triste puisque je vois, justement, une grande espérance s’évanouir, l’espérance d’en terminer avec la querelle orthographique. Puisqu’en quelques semaines a été anéanti l’esprit d’entente qui s’était installé au long de 3 années d travail. (...) Je suis sûr que nous allions vers l’entente définitive. Je suis sûr que cet accord aurait été accepté, peu à peu, par tous». Oui, il avait été profondément dépité !
Ce qu’il aurait fallu faire, alors, c’est de poursuivre la réflexion sur l’orthographe, afin d’atteindre une graphie soignée. Per Denez, pénétré de «l’esprit d’entente», n’avait pas cru devoir continuer avec les seuls représentants du peurunvan, hélas !
Ce que nous proposons nous, maintenant, c’est de renouer, nous utilisateurs du peurunvan, avec les discussions là où elles étaient arrivées. Il reste peu de choses à voir (cf. ci-après l’article : Quels changements pour le peurunvan ?)... Si des militants compétents et de bonne volonté (des progressistes !) acceptaient de se réunir avec la volonté de s'entendre, nous parviendrions bientôt à déterminer la meilleure graphie possible !
Nous pensons à l’espoir qu’avait Per Denez d’atteindre un «accord vrai et utile, et la paix pour les prochaines années», nous dirions plutôt la paix définitive dans ce problème de la graphie du breton ! S’il était encore vivant et en bonne santé, il accepterait de relancer les discussions aujourd’hui. Voici ce qu’il écrivait à la fin de l’article mentionné ci-dessus (p.28): «Je regretterai toujours le beau rêve d’atteindre, enfin, l’unité et la paix. Je serai toujours prêt, après avoir pris part (...en vain...) à une vingtaine de réunions, à chercher l’entente». Nous aussi. Que ne soit pas perdu l’esprit de Per Denez !
Voici notre proposition. Donnez-nous votre avis. Merci à vous si vous pouviez inciter et convaincre les dirigeants des associations s’occupant de breton, d’accepter de redonner l’impulsion aux discussions sur la graphie. Nous sommes prêts à mettre sur pied ces réunions et à faire tout notre possible pour progresser vers l’accord attendu. Nous comptons sur vous.
De cœur avec vous,
Tugdual KALVEZ
Président de Dazont ar brezhoneg
Travaux de la commission orthographique (1974).
POINTS D’ACCORD ADOPTÉS A LA MAJORITÉ AU 22 JUIN 1974
•1- Ecrire b, d et g au lieu de p, t et k à la fin des mots, selon la dérivation, sans distinction entre le substantif et l’adjectif.
•2- Problème du c’h :
Ecrire c’h après ar, ur, er dans les mots commençant par k.
•3- Les terminaisons verbales :
a)- Ecrire -mp au lieu de -m (gwelomp au lieu de gwelom).
b)- Ecrire -añ (prenañ), -iñ (debriñ) au lieu de -a (prena), -i (debri).
c)- Ecrire ema au lieu de emañ.
•4- Ecrire -añ (gwellañ) au lieu de -a (gwella) au superlatif.
•5- L’article :
Ecrire un, ul, ur au lieu de eun, eul, eur.
•6- Ne pas noter les mutations s/z, f/f’, ch/j, c’h/h.
•7- Les pluriels en -ou ou bien -où:
Ecrire -où (tadoù).
•8- Le -ao-/-ô-: Ecrire -ao- (paotr au lieu de pôtr).
•9- Le -ae-/-ê-/-ee-:
a)- Ecrire dàel, dàer (dàeroù), impalàer, kàer, làer, màeron, nàer, pàeron avec àe.
b)- Ecrire -ae- dans les autres mots (aer, miz Mae, maez).
c)- Dans les verbes, écrire -ae- au lieu de -ee- ou -ê- (aet, lakaet, tostaet).
•10- Le -iv/ -ioù/ -w/ et iù... Le -ev/ -eo... Le -av/ -ao:
a)- Ecrire un v au lieu d’un o dans certains mots: levr, revr, gavr...
b)- Après une voyelle:
1. En fin de mot écrire w (braw, hiziw ou hiriw, tew, piw, liw, ataw...) sauf sav, fav (fève), gov, trev (dav ?, skrev ?).
2. A l’intérieur des mots écrire v: (bevet, bravoc’h, livet...), sauf delwenn.
c)- Après une consonne, en fin de mot:
1. Conserver le v après un l (galv, palv, malv...).
2. Ecrire o ou bien w après les autres consonnes (baro, barw ; dero, derw ; maro, marw ; mezo, mezw ; azo, azw ; ano, anw ; garo, garw ; karo, karw ; taro, tarw ; bero, berw ; ero, erw ; c’hwero, c’hwerw ; bano, banw ; lano, lanw ; bezo, bezw...)
•11- Le problème du c’h:
a)- Ecrire plac’h, plac’hig ou lieu de plah, plahig.
b)- Ecrire c’h après ar, ur, er dans les mots commençant par g.
c)- Ecrire c’h après da, ne, pa... mais écrire h après une consonne quand la voyelle qui la suit a été élidée (d’, n’, p’): ne c’hellan ket, mais n’hellan ket ; da c’houlenn, mais d’houlenn ; da c’hounid, mais d’hounid ; pa c’hellan, mais p’hellan...
•12- Problème du zh. On a abordé l’étude du zh (s/z et zh). Cette étude sera poursuivie.
Il reste en outre quelques problèmes à résoudre: le ill/ilh ; la conjugaison des verbes kaout et bezañ ; les propositions des Vannetais (pewar, teñwel, -ion...).
Pour les points non étudiés, il sera possible à chacun décrire comme il l’entend (ex.: koz/kozh ou koh...).
AR FALZ, octobre-décembre 1974
Quels changements pour le peurunvan ?
L’accord de 1974
Les 11 points votés en 1974 ne concernent pas tous le peurunvan, mais 4 seulement. Voici lesquels: les points 1, 3c (un seul mot), 9a et 10b1.
Point 1. Remplacer les finales de mots en K, T, P par les consonnes douces G, D, B, sans différencier les noms* des adjectifs.
(*)- A l’exception de ceux qui dérivent en k-, tel tok -où ("chapeau", doté d’un [o] court # tog -où = "faîte", dont le [o:] est long ; en t-, comme splet -où, spletus ; en p-, comme strep -où, etc. Ils ne sont pas nombreux.
Selon Jean-Claude Le Ruyet, cette réforme toucherait 7% du vocabulaire seulement, une estimation faite à partir du dictionnaire de Francis Favereau. En France, l’Académie avait introduit des modifications dans 28% du vocabulaire (4 fois plus), en 1740. Donc, peu de changements pour le breton, mais un effet énorme: on rencontre des liaisons dans toutes les phrases y compris les plus courtes: graetd eo ; matd eo,… c’est-à-dire dans la langue parlée tout entière. Ces finales douces sont donc très importantes, afin de pouvoir enseigner plus facilement la prononciation correcte dans les écoles.
Point 3. Ecrire ema au lieu de emañ (< ema + eñv, Trégor).
Point 9a. Ecrire àe dans les mots suivants: dàel, dàer -où, impalàer, màeron, nàer, pàeron.
Note: nous nous demandons s’il est utile de différencier àe de ae, en dépit de l’origine différente et de la prononciation différente aussi selon les régions. Souvent, ce genre de signe est oublié. Ex.: aer, laezh, maez, / kàer, làer, nàer…
Point 10b1. Ecrire -w au lieu de -v en fin de mots comme braw, hiriw/hiziw, tew, piw, liw, ataw,… sauf dans sav, av, gov, trev,…
Selon Jean-Claude Le Ruyet, la finale de 67 mots seulement serait changée, sans compter les mots composés à partir de ceux-ci, par exemple: blev et sach-blev, divlev, pennad-blev, etc. en tout, il y aurait 94 mots.
Les autres points de l’accord sont déjà dans le peurunvan. Ce sont les deux autres systèmes orthographiques qui ont le plus de changements à apporter à leurs règles.
Pourquoi améliorer le Peurunvan ?
par Jean-Claude Le Ruyet
Certains pensent qu'il n'y a rien à modifier dans notre système orthographique:il aurait été conçu parfait dès sa création au mois de Juillet 1941. Ce n'est pas notre point de vue. À cette époque les efforts avaient porté sur l'intégration des caractéristiques du vannetais dans l'orthographe commune. Et des avancées avaient été réalisées. Mais le travail n'était pas allé jusqu'à son terme. Nous pouvons et nous devons aller plus loin. En réalité, il manque peu de choses pour obtenir un outil cohérent et performant: quelques mots à reconsidérer, mais là n'est pas le plus important : c'est la question du choix des consonnes finales qui pose le problème crucial (la règle avait été déterminée en 1902 par... les Vannetais). Or, c'est un vrai problème qui concerne à la fois la prononciation induite par le Peurunvan en son état actuel et qui concerne aussi un aspect oublié de la langue: les liaisons.
Pour comprendre le problème, il est nécessaire d'adopter les quatre règles de base de la prononciation du breton:
R1 : l'accent tonique (sur l'avant-dernière syllabe).
R2 : la longueur de la voyelle sous l'accent tonique (cette longueur, brève ou longue, dépend de la nature de la consonne qui suit cette voyelle).
R3 : le dévoisement de la dernière consonne d'un mot en finale absolue (c'est-à-dire quand aucune liaison n'entre en jeu avec le mot suivant).
R4 : les liaisons (en réalité ce sont des enchaînements).
Aujourd'hui, en l'état actuel du Peurunvan, il est impossible d'enseigner la règle N°2 relative à la longueur de la voyelle sous l'accent. Le décodage précis est impossible dans les mots qui ne sont pas des substantifs en raison du mauvais choix des consonnes finales. Il faudrait les écrire toutes comme cela est fait pour les substantifs, à savoir en fonction de la dérivation avec un suffixe neutre. Si ce choix est revu, le système devient cohérent.
Exemple :
- P-41 : Bras eo dan ar Braz bremañ. Le premier mot (bras) est un adjectif et s'écrit avec une consonne dure depuis 1902. Le second terme important (ar Braz) est un substantif qui s'écrit ainsi en raison des dérivés brazig, brazez. Les deux (bras et braz) se prononcent avec une voyelle longue. Normalement, dans des mots d'une seule syllabe comme ici, portant l'accent tonique, le -a- doit être bref devant un -s et long devant un -z. Or les deux mots se prononcent pareillement avec un -a- long : ['bra:s]. Cela provient du fait que les auteurs de la Grammaire bretonne du dialecte de Vannes, en 1902, avaient décidé que tous les mots autres que les substantifs s'écriraient avec une consonne dure (p, t, k, s, ch ou f). Le premier mot bras étant un adjectif, il ne peut donc s'écrire qu'avec un -s. Si nous mettons côte-à-côte bras et plas, se prononcent-ils de la même manière du fait qu'ils sont écrits tous deux avec -as ? Non, car il y a un -a- long dans bras et un -a- bref dans plas. Plas est écrit correctement (on dit plasoù), c'est un substantif ; c'est l'adjectif bras qui devrait s'écrire avec un -z. Dès lors tout devient limpide: braz eo Dan ar Braz. Le décodage est clair: les deux mots braz se prononcent tous deux avec un -a- long et on peut opposer braz et plas, ils seront lus correctement ['bra:s] et ['plas].
D'où vient l'erreur ? En 1902, on ne savait pas pourquoi l'on disait brazig et brasaad. Guillevic et Le Goff avaient décidé d'une règle sans connaître la raison de cela. Mais, ce n'est que vers 1940 que l'on a su pourquoi brazig, brazez et pourquoi brasaad, brasañ, brasoc'h. En fait, certains suffixes sont neutres (comme -ig et -ez), alors que d'autres sont durcissants comme -aad, -añ, -oc'h en raison d'un ancien h- initial (il y a 9 suffixes durcissants, tous les autres sont neutres). On écrit bien pesked avec un -d final et non un -t. Or, on dit pesketa ! C'est que -a (anc. -ha) est un des 9 suffixes durcissants: on ne se base pas sur ce suffixe pour déterminer la consonne finale de pesked, mais sur les dérivés peskedenn, peskeduz, -enn et -uz étant des suffixes neutres.
Regardons la situation sans passion. Que nous apporterait la modification du choix des consonnes finales ? Je vois 5 aspects :
1- D'abord nous rendrions le Peurunvan cohérent et d'un emploi facile pour l'enseignement de la prononciation. C'est de loin le point le plus important. Les quatre règles de base pourront toutes être enseignées sans difficulté (or, ce sont ces quatre règles qui font de la prosodie bretonne un élément très différent de celle du français).
2- Dès lors que tous les mots bretons seront écrits à la finale selon des dérivés avec suffixe neutre, on remarque que la grande majorité des mots ont une finale douce (evidon > evid ; blodenn > blod ; noblañs > nobl). Il y a des exceptions, des mots à consonne finale dure (propig > prop ; respetiñ > respet ; plasenn > plas). Il arrive dans ce cas que l'on écrive une consonne finale douce à la place de la dure pour faciliter une prononciation correcte : end-eeun, kemend-all, a-hend-all, neblec'h. Ce procédé ne peut pas être généralisé, notamment dans les mots composés à trait d'union.
En ce qui concerne les liaisons en breton, il faut connaître les règles qui les gouvernent, règles différentes sinon opposées à celle du français. Les liaisons bretonnes sont douces devant les voyelles, mais aussi, on l'oublie trop souvent, devant l-, m-, n-, r- et devant w- et y-. Par effet Buben (influence de l'écrit sur la prononciation), la présence de nombreuses consonnes douces en jonction inciterait positivement la réalisation des bonnes liaisons par les lecteurs.
3- Par cette seule modification apportée au Peurunvan, celui-ci se rapprocherait du système Universitaire (Skolveureg). Or, si nous voulons unifier notre orthographe, il faut que chacun fasse un pas vers l'autre, d'autant plus quand cela est raisonnable, comme ici. De toute façon, c'est le Skolveureg qui devra faire le plus grand effort d'adaptation. Je rappelle que la question des consonnes finales était le premier point d'accord obtenu par la Commission orthographique (1971-1975).
4- Nous serons d'accord avec la façon dont notre langue est donnée à voir dans l'espace public (écrits de toutes sortes, panneaux routiers, publicité, etc.).
5- Enfin nous aurons le même outil de travail et nous pourrons consacrer nos efforts à "la défense et à l'illustration de la langue bretonne". Ce n'est pas le moins important, pour l'avenir, quand on connaît sa situation aujourd'hui.
Extraits de "Bien prononcer le breton d’aujourd’hui",
par Jean-Claude Le Ruyet (Skol vBreizh, 2012)
Ne pas avoir peur du changement. Porter un regard critique sans tabou.
«A ceux qui crient au "saccage" de l’orthographe que pourrait constituer la moindre modification du Peur-unvan-1941 en l’état, on peut désigner un autre saccage: celui de la langue parlée quand il est induit... par l’orthographe elle-même ! Mais, en réalité, il est parfaitement inutile de mettre sur pied ou d’adopter un nouveau système orthographique. (...) Il faut se baser sur le système unifié existant et majoritairement utilisé, car un système unifié est indispensable au breton aujourd’hui. (...) Le travail à faire, c’est de gommer dans le P-41 ce qui, après70 ans d’expérience, se montre contre-productif».
Unification définitive du breton écrit.
«On peut imaginer que cette modification est susceptible d’entraîner la fin de la tension orthographique qui épuise le Mouvement breton. En effet, cette modernisation de la graphie, cette mise en cohérence va dans le sens des points que les deux tentatives de réforme avaient avancés tant en 1955 qu’en 1975: la question des consonnes finales était tranchée en s’écartant de la règle de 1902. Ce point était d’ailleurs un point d’accord des tous premiers acquis lors des discussions sur l’orthographe des années 1970. Il ne doit donc pas poser de problèmes théoriques».
«En revanche, on peut s’attendre à ce que l’utilisation des mêmes outils performatifs libère les énergies. Or, la fin des dissensions et des désaccords dans ce domaine ne peut être qu’un signe fort donné à nos concitoyens: la nécessaire coordination des efforts que demande le développement du breton dans un moment crucial, ne peut que tirer profit d’une adhésion générale à l’orthographe du breton remanié à partir du premier modèle unifié de 1941».
Tenir compte des liaisons autant que des mutations.
«On peut considérer que la question des finales étant réglée comme proposé [écrire tous les mots sans exception selon la dérivation avec suffixe neutre], il n’y aura plus d’obstacles majeurs à un enseignement cohérent du breton, pour un peu qu’on s’entende sur les quatre règles de base de la prononciation.(...) L’augmentation du nombre des consonnes douces en finale que cette mise en cohérence apportera, ne pourra que faciliter, par effet Buben positif [la consonne finale influe sur la réalisation de la liaison par les lecteurs], la réalisation des liaisons selon l’adoucissement général du breton».
«La question des liaisons est au moins aussi importante que les mutations en terme de couleur donnée à la langue. D’ailleurs, la fréquence des liaisons est plus importante que celle des mutations: si on compare les jonctions où il y a mutation et celles où il y a une liaison, on obtient un rapport de 2 à 3, c’est-à-dire que lorsqu’on trouve deux mutations, on constate dans le même texte trois liaisons».
Le corpus des quatre règles de base de la prononciation du breton.
«Il s’agit de l’accent tonique, de la longueur de la voyelle sous l’accent tonique, du dévoisement de la consonne finale absolue [consonne sourde] et, enfin, des liaisons». «C’est par nécessité technique que ce concept de quatre règles de base a germé dans l’esprit d’Albert Boché.(...) Elles ne sont pas une invention personnelle (...), mais elles ne sont jamais présentées sous forme de corpus cohérent. Or, c’est cet aspect même de la question, sa cohérence, qui lui ouvre des perspectives pédagogiques et didactiques nouvelles et fécondes».
Réponse à quelques objections.
1.- Ce n'est pas le moment de changer quelque chose dans l’orthographe du breton.
Ce ne sera jamais le moment de rectifier l’orthographe du breton pour ceux qui ne veulent rien changer, quand bien même ce serait pour améliorer le peurunvan. Per Denez, Ronan Huon et Léon Fleuriot avaient trouvé, eux, que c’était le bon moment, entre 1970 et 1974, d’aménager la graphie. D’ailleurs, ils ont presque fait tout le travail, trois changements seulement, en réalité, et un certain nombre de mots qu’il nous reste à revoir pour parachever leur travail. Le temps est venu d’en finir définitivement avec la question orthographique !
Dire qu’ « il y a plus urgent à faire », c’est reconnaître implicitement que le problème de l’orthographe du breton se pose et qu’il faudra la réformer un jour ou l’autre. Or, plus on attend, plus ce sera difficile à réaliser. Il faut, donc, faire cette réforme au plus tôt: maintenant !
2.- Il n’existe pas de graphie sans défaut.
C’est vrai, mais une fois mis en application les 3 points votés en 1974 et après avoir corrigé l’orthographe défectueuse d’un certain nombre de mots, nous aurions la meilleure graphie possible ! Et nous croyons, comme Per Denez en 1975, que «cet accord sera adopté, peu à peu, par tous», même par ceux qui n’utilisent pas le peurunvan aujourd’hui, si nous menons notre réforme à terme avec discernement.
3.- La réforme orthographique n’est pas le point le plus important à réaliser.
Tel qu’il est, le peurunvan est un obstacle à l’enseignement du breton, par certains aspects de sa graphie et leur lien défectueux avec la prononciation. Les maîtres du primaire et les professeurs du secondaire doivent utiliser chaque jour un outil dont la modernisation est inachevée, qui peut être aisément amélioré en mettant en application les dispositions amenées par Per Denez, Ronan Huon et Léon Fleuriot. Il est important de bien former de nouveaux bretonnants au moyen d’un outil rénové pour de bon.
«La pédagogie est le point le plus important: comment transmettre la langue de la façon la plus efficace possible ? Une langue vivante est une langue parlée. Aussi, la prononciation y a-t-elle beaucoup d’importance. Celle du français interfère déjà avec celle du breton des jeunes (et pas seulement, hélas !).Travailler les 4 règles de base de la prononciation du breton (qui ne sont pas celles du français) et corriger les anomalies dans l’orthographe, aidera les enseignants, car, à partir de là, le breton sera cohérent: il y aura un lien clair entre ce qui est écrit et la prononciation attendue». J.-Cl. Le Ruyet. Un exemple: blod ("mou"), avec un -d final, car le -o- est long = [o:] ; # klot ("emboîture"), un -t final, car le -o- est court = [o].
Globalement, cette réforme présente trois avantages: elle simplifie l’orthographe, elle introduit de la cohérence entre l’écriture et la prononciation, enfin elle facilite l’enseignement de la langue par les enseignants et son acquisition par les élèves.
4.- Kuzul ar Brezhoneg a trop de travail pour consacrer du temps à cette proposition.
On n’a que le temps que l’on prend, que l’on consacre à ce qu’on a décidé de faire. C’est une question de choix. On trouve toujours du temps pour ce que l’on considère comme important pour soi.
Y aurait-il si peu de gens à Kuzul Ar Brezhoneg (Conseil de la langue bretonne) ? Ce qui a été possible il y a 40 ans, ne le serait plus, maintenant que le travail sur le peurunvan est quasiment terminé ? Entre 1971 et 1974, il avait été possible de trouver régulièrement 3 personnes du côté du peurunvan pour prendre part aux discussions, à une époque où il n’y avait aucun employé pour faire le travail pour K.A.B., contrairement à aujourd’hui.
Ces 3 personnes ont accompli la réforme de base (3 points seulement, les 8 autres points concernant le système dit skolveurieg). Cela ne devrait pas demander beaucoup de temps pour parachever le travail entre personnes compétentes et de bonne volonté. Ces 3 points, étudiés de près et résolus par Per Denez, Ronan Huon et Léon Fleuriot, des gens instruits, qualifiés en matière d’enseignement, responsables, devraient être adoptés sans problème par K.A.B. Pour terminer, à nous de corriger les mots défectueux orthographiquement.
♦- Pour gagner du temps, notre groupe d’étude peut préparer en détail chaque point à étudier et envoyer nos propositions par l’internet. De cette façon, peu de réunions seraient nécessaires. K.A.B. pourrait confier à deux personnes instruites et de bonne volonté le dossier de la question orthographique, chargées de collaborer avec nous sur le problème.
5-. Que fera-t-on des livres publiés en peurunvan de 1941 ?
Un changement d’orthographe est déjà intervenu en 1941 et, pourtant, nous pouvons lire toujours les livres publiés en K.L.T. du début du XXe siècle. Cependant, les changements ont été plus nombreux en 1941 que ceux de l’accord de 1974 (3 points seulement): à savoir surtout les finales douces des mots: -V > -W, ainsi que -K, -T, -P > -G, -D, -B, ce qui représente une simplification orthographique et une facilitation de la prononciation.
Par ailleurs, il sera possible d’insérer dans les livres publiés en peurunvan de 1941, une feuille précisant les différences apportées en 2015... On peut également s’entendre sur la manière d’appliquer la réforme dans le temps. Par exemple, les 3 points de l’accord de 1974 applicables d’abord, pourquoi pas dans les revues, à titre d’essai, et plus tard les mots corrigés, dans un délai à définir collectivement.
Il est grand temps de rénover le peurunvan. Un calcul de type économique à court terme joue contre l’avenir du breton. Refuser d’améliorer le peurunvan maintenant, c’est renvoyer un incertain accord aux calendes grecques et mettre encore plus le breton en danger. Il nous faut décider avec courage aujourd’hui et responsabilité vis-à-vis de l’avenir du breton.
Nous savons que notre initiative ne plaira pas à tous, mais nous l’assumons, sachant que certains nous remercieront par la suite, si on applique la réforme bientôt. Nous n’en demandons pas tant, nous faisons notre devoir, sans plus. Notre initiative est un acte de foi en l’avenir du breton et un moyen d’assurer cet avenir.
Le groupe d’étude:
Dazont ar brezhoneg
Conclusion.

Albert BOCHÉ (1927-2012)
Sa dernière photographie
Le présent dossier n’aurait pas vu le jour sans la demande d’Albert Boché.
Les solutions n’auraient pas été apportées sans les accords de 1974, signés par Per Denez, Ronan Huon et Leon Fleuriot.
L’entente que nous proposons à tous ceux qui utilisent le peurunvan, doit être menée à bonne fin.
D’abord, accepter les trois points de l’accord signé en 1974 qui concernent le peurunvan. Les huit autres se rapportent au système dit skolveurieg.
Ensuite, corriger les mots qui doivent être rectifiés. Et c’est tout !
Ce n’est pas une révolution, non, une simple réforme, mais une réforme importante pour l’enseignement de la prononciation, car une langue est faite, avant tout, pour être parlée. Cette réforme amènera plus d’union dans le Mouvement Breton, c’est-à-dire plus d’efficacité. A nous de manifester notre bonne volonté, de montrer que nous sommes des gens responsables qui tiennent à assurer l’avenir de la langue bretonne.
Bodad-studi Dazont ar Brezhoneg